Collectif contre Dentexia | Récit de l’énergie du désespoir des victimes, avec Abdel Aouachéria | Épisode 2/4

Dans le second épisode de cette série sur le scandale Dentexia, Abdel Aouachéria nous raconte le parcours du combattant que représentèrent les démarches menées par et pour les victimes. Le fondateur du Collectif contre Dentexia nous explique en détail comment ce dernier a vu le jour, les obstacles rencontrés, la multitude d’acteurs contactés… Tout cela durant des années, pendant lesquelles des milliers de victimes de ces centres de santé lowcost souffraient quotidiennement et vivaient recluses car édentées et endettées, allant parfois jusqu’à des envies de suicide.

La prise de conscience de l’ampleur du scandale

C’est en cher­chant à se faire soign­er une rage de dents qu’Abdel Aouachéria a douce­ment pris con­science de l’ampleur du scan­dale Den­tex­ia. Les den­tistes libéraux aux­quels il s’était adressé le ren­voy­aient vers ceux qui avaient réal­isé les soins : Den­tex­ia. Or, ces derniers étaient en train de fer­mer et donc, ne pou­vaient pas non plus le pren­dre en charge.

C’est dans ce con­texte qu’il se rend un matin dans un de ces centres :

« C’est comme ça que, le 6 jan­vi­er, j’ar­rive à l’ou­ver­ture […]. Le cen­tre n’ou­vrait plus trop, mais il y avait quand même des patients qui étaient devant. C’est là que je croise ce cou­ple qui avait des fils noirs qui leur ser­raient les gen­cives parce que […] les 2 per­son­nes du cou­ple n’avaient plus de dents dans la bouche. On leur avait tout enlevé. Elles sor­taient dému­nies, pour aller je ne sais où. D’ailleurs, je leur pose la ques­tion […] : « Vous allez où comme ça ? ». Et les 2 per­son­nes me répon­dent : « Et bien on ne sait pas. ». […] Je ren­tre dans le cen­tre et là, je prends con­science de l’am­pleur du prob­lème parce qu’il y a 2 per­son­nes qui veu­lent vol­er des ordi­na­teurs. [Ce sont] 2 vic­times qui sont hyper agres­sives, en dis­ant : « J’ai payé par avance, on entend que le cen­tre est en redresse­ment, je ne vais pas pou­voir être soigné, je veux récupér­er mon argent. ». »

Abdel Aouachéria

Il dis­tribue alors ses cartes de visite :

« 2 jours après, j’ai reçu 80 coups de fils. »

Abdel Aouachéria

Ce n’était pour­tant encore que le début. Abdel explique lors de notre échange qu’il a arrêté de compter le nom­bre d’adhérents au Col­lec­tif con­tre Den­tex­ia à par­tir de 3 000 personnes…

La création du Collectif contre Dentexia

C’est au fil des ren­con­tres qu’il fera par la suite que le Col­lec­tif con­tre Den­tex­ia ver­ra le jour. Il fut créé tôt dans l’histoire du scan­dale Den­tex­ia puisqu’il date du 6 jan­vi­er 2016. Il précède donc la liq­ui­da­tion judi­ci­aire qui eut lieu en mars de la même année.

Au fil des semaines, puis des mois et des années, Abdel et tous les autres mem­bres com­pren­nent com­bi­en l’affaire est com­plexe, entre autres parce qu’elle est totale­ment nouvelle.

« C’est une sit­u­a­tion com­plète­ment inédite pour laque­lle il n’y avait pas de solu­tion qui pou­vait être sor­tie du chapeau. »

Abdel Aouachéria

Dans le cadre du Col­lec­tif con­tre Den­tex­ia, Abdel recevra de très nom­breux témoignages et com­pren­dra à quel point de mau­vais soins den­taires peu­vent affecter la vie d’une per­son­ne. Dans cet épisode, il racon­te avec beau­coup de justesse :

  • toute la douleur, physique et mentale ;
  • toute l’humiliation que ce fut pour les victimes ;
  • toutes les con­séquences, physiques et men­tales, elles aus­si, qu’elles ont dû affronter.

« Au tout début, c’est frontal, c’est comme […] un choc aigu […]. On l’en­caisse, en fait. C’est de la sidéra­tion, au début. Le prob­lème des per­son­nes qui com­men­cent à vivre dans le noir, qui men­a­cent de se sui­cider… ça, c’est quelque chose qui se déploie. Parce qu’il faut [le temps de] pren­dre con­science qu’il n’y a pas de solution. »

Abdel Aouachéria

Les difficultés rencontrées par le Collectif contre Dentexia

Au fil de notre échange, Abdel a très bien expliqué à quel point les démarch­es entre­pris­es par le Col­lec­tif con­tre Den­tex­ia furent com­pliquées. Son réc­it nous fait com­pren­dre sans peine que c’est bien l’énergie du dés­espoir qui leur a per­mis de con­tin­uer à lut­ter pour obtenir de l’aide.

  • Ils ont con­tac­té des asso­ci­a­tions de con­som­ma­teurs qui leur ont répon­du que c’était un prob­lème sanitaire.
  • Les asso­ci­a­tions de malade (qui n’existaient alors pas pour le secteur den­taire…) leur ont répon­du qu’au vu de leur dis­cours sur les sommes payées et les dif­fi­cultés avec les assur­ances, c’était un prob­lème de consommation.
  • Ils ont, nous l’avons évo­qué dans le pre­mier épisode sur la nais­sance du scan­dale, pas reçu de sou­tien de l’Ordre des chirurgiens-dentistes.
  • Ils ont con­tac­té la DGCCRF (Direc­tion générale de la con­cur­rence, de la con­som­ma­tion et de la répres­sion des fraudes), sans que cela soit utile.

« Dés­espéré, j’ap­pelle le stan­dard du min­istère de la San­té, à Paris. Je trou­ve sur Google ! […] Parce que je reçois des mails qui me font peur, en fait. Je reçois des men­aces de sui­cides, des per­son­nes qui, au bout de quelques semaines, me dis­ent : « Mais on ne peut pas vivre sans dents, en fait. On n’a plus de dents, on n’a plus d’argent. ». »

Abdel Aouachéria

La stan­dard­iste lui par­le alors du méti­er de défenseur des droits et lui donne un numéro. C’est cette per­son­ne qui, enfin, com­prend l’ampleur du scan­dale et prend le dossier en charge au côté du Col­lec­tif con­tre Den­tex­ia.

« On se retrou­ve avec des den­tistes extrême­ment réti­cents à l’idée de soign­er des vic­times. On se retrou­ve avec un cab­i­net min­istériel qui ne com­prend pas ce qu’on lui dit, ou qui com­prend trop bien, en dis­ant : « Nous, on ne veut pas endoss­er la respon­s­abil­ité des man­dats précé­dents, en fait. Ce n’est pas notre prob­lème. Il faut que vous vous retourniez vers d’autres acteurs. ». Mais il n’y a pas d’ac­teurs. Et c’est ce qu’a bien com­pris le cab­i­net du défenseur des droits […]. Là s’en­gage une lutte dans la durée. »

Abdel Aouachéria

Par­al­lèle­ment, les médias ont été très présents aux côtés du Col­lec­tif con­tre Den­tex­ia. Le col­lec­tif et Abdel, au fil des expéri­ences, appren­nent d’ailleurs com­ment s’adresser à cha­cun des acteurs con­tac­tés, apprenant à se mon­tr­er et util­isant tan­tôt des témoignages et des images, tan­tôt de très longs sondages et des chiffres.

*

Ce sec­ond épisode de l’interview d’Abdel Aouachéria pour « Entre­tien avec un den­tiste » explique en détail l’immensité et la com­plex­ité du tra­vail réal­isé par le Col­lec­tif con­tre Den­tex­ia. Je vous invite vive­ment à l’écouter en entier pour mesur­er l’étendue des démarch­es réal­isées, la souf­france et le désar­roi tra­ver­sés par les vic­times. Pour clore notre échange, Abdel évoque égale­ment le procès pénal qui n’a pas (encore) eu lieu mal­gré 1 553 plaintes déposées au TGI (tri­bunal de grande instance) de Paris. Enfin, pour ne pas louper la suite de l’histoire, je vous invite à vous abon­ner et à vous inscrire à la newslet­ter.

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