Dentistes en burn-out 3/3 : après la pluie

Dans l'épisode précédent, nos consœurs Pauline et Séverine et notre confrère Phoenix nous ont raconté la période la plus douloureuse que traversent les dentistes en burn-out. Ils nous ont parlé de leur effondrement et de cette période pendant laquelle ils ont évacué ce qui avait été retenu durant des mois, voire des années.

Dans ce troisième et dernier épisode, ils nous racon­tent le retour à la vie, lorsque le goût revient. Com­ment ont-ils appris à vivre autrement ? Que con­seilleraient-ils aux autres prati­ciens den­taires, qu’ils soient en bonne san­té ou en épuise­ment pro­fes­sion­nel ? Nous ver­rons avec eux, mais aus­si avec l’aide de Marie-Hélène Haye et de Marie Pezé, ce que nous pou­vons faire, indi­vidu­elle­ment et col­lec­tive­ment, pour éviter ces drames.

Un doute ? Faite le test de prop­a­ga­tion du burn-out

La situation actuelle de nos chirurgiens-dentistes 

Même s’ils sont guéris ou en cours de guéri­son, les den­tistes en burn-out gar­dent des séquelles. Séver­ine, Pauline et Phoenix les sen­tent et recon­nais­sent en avoir encore. Que ce soit dans leur vie pro­fes­sion­nelle ou dans la sphère per­son­nelle, la vig­i­lance envers eux-mêmes et les change­ments de fonc­tion­nement sont nécessaires. 

« Ça pour­rait dégringol­er si on ne se met pas de barrières. »

Pauline

« Heureuse­ment que les mi-temps thérapeu­tiques existent. »

Phoenix

« Com­ment je me sens aujour­d’hui ? Fatiguée, encore très fatiguée. J’ai envie de repos. Mais je ne me donne pas encore ce droit. »

Séver­ine

Après un burn-out, il peut être impos­si­ble de repren­dre son activ­ité comme avant, voire de repren­dre le même méti­er. Il est d’ailleurs cap­i­tal d’attendre que l’envie de repren­dre la route du cab­i­net se fasse sen­tir d’elle-même. Une fois l’envie rev­enue, il est égale­ment impor­tant de pren­dre, en amont, le temps de penser à ce dont nous avons besoin et envie pour cette reprise. Même une fois le retour au tra­vail ini­tié, le temps d’adaptation et de réap­pren­tis­sage peut s’avérer très long. 

« Je ne vais plus repar­tir sur le même type d’ex­er­ci­ce. Pour l’instant, je rêve de me pos­er en col­lab­o­ra­tion ou ne serait-ce que dans un poste de salarié, pen­dant quelque temps. […] Je n’ai aucune envie, pour l’in­stant, de repar­tir sur une struc­ture à moi. »

Séver­ine

« Je vois grand max­i­mum 12 patients par jour. Je fais des actes groupés en fait, ce qui est moins… Ce qui est un tra­vail dif­férent. C’est moins stres­sant et moins fatigant. »

Pauline

« J’ai pen­sé à faire une recon­ver­sion, oui. Quand j’é­tais vrai­ment bas, j’ai pen­sé à car­ré­ment cla­quer la porte du cab­i­net, tout arrêter et faire n’im­porte quoi d’autre. […] J’ai pen­sé repar­tir sur du den­taire, mais en étant assis­tante den­taire, pas den­tiste. Je pen­sais à plein de scénarios. »

Pauline

Une nouvelle vie après l’enfer de l’épuisement professionnel 

Leur nou­velle vie ne sera jamais comme la précé­dente. Les den­tistes en burn-out voient des change­ments s’opérer dans leur vie après leur guéri­son. Séver­ine, Phoenix et Pauline s’accordent tous les 3 à dire qu’il est impor­tant de : 

  • Tra­vailler autrement, en adap­tant le rythme ou le mode de tra­vail à ses besoins et à sa santé ; 
  • se créer un réseau pour pou­voir exprimer son ressen­ti, et peut-être même aider d’autres prati­ciens en souffrance ; 
  • s’interroger sur ce que l’on souhaite pour soi, dans sa vie, pour son tra­vail, pour son temps libre, etc., bref : revenir à soi. 

« Quand j’ai repris le tra­vail, j’ai dû appren­dre à dire non, à met­tre des bar­rières, à me frein­er aus­si et à me dire que je ne pou­vais pas tout faire. »

Pauline

« J’ai libéré ma parole et je me suis ouverte. Ça m’a per­mis d’avoir un con­tact avec toi, de pou­voir en par­ler avec d’autres con­sœurs ou con­frères qui vivent la même chose. […] C’est la dif­fi­culté qui fait qu’un petit réseau se forme avec les mêmes valeurs, avec les mêmes attentes. Et ce n’est pas si mal ! »

Séver­ine

Il peut aus­si être impor­tant de : 

  • Se ren­seign­er et se faire accom­pa­g­n­er autant que nécessaire ; 
  • pren­dre du recul sur ce qu’il s’est passé et pourquoi ça a eu lieu. 

« Je pense que c’est ça que je n’ai pas su faire : même si c’est une pas­sion, ne pas se laiss­er manger par [elle]. »

Séver­ine

« Plan­i­fi­er dans ses semaines, dans chaque semaine, des temps de néant, des temps où il n’y a rien. […] Ce n’est pas facile. Mais c’est le plus sim­ple. C’est la pre­mière chose préven­tive, je crois : s’au­toris­er des temps pour ne rien faire, pour être juste ouvert à ce qui va se pass­er ce jour-là. »

Marie-Hélène Haye

« Avant, il y avait mon tra­vail, ensuite mes loisirs. Main­tenant, il y a mes loisirs, puis mon tra­vail dans un sec­ond temps. Et ça, ça change tout. »

Pauline

Les possibilités d’action contre ce fléau des dentistes en burn-out 

Après ces témoignages, il sem­ble naturel et impor­tant de s’interroger sur ce que nous pou­vons tous faire, à notre échelle, pour prévenir le fléau des den­tistes en burn-out. À notre échelle, nous pouvons : 

  • Com­mu­ni­quer sur notre expéri­ence (autour de l’épuisement pro­fes­sion­nel… Mais aus­si sur les signes avant-coureurs) ; 
  • pren­dre dès à présent l’habitude de se garder du temps pour soi et préserv­er sa santé ; 
  • être vig­i­lant et bien­veil­lant envers ses col­lègues et ses proches ; 
  • penser autrement la rela­tion avec ses patients ; 
  • se faire tester et con­sul­ter dès que nous avons le moin­dre doute. 

« Je pense que la pre­mière chose qu’on puisse faire, c’est déjà informer […], com­mu­ni­quer : qu’est-ce que c’est, mon­tr­er que ça existe, oser en par­ler et oser en par­ler quand soi-même, on le vit. »

Marie-Hélène Haye

« Si vous pensez être en burn-out ou pas loin, même si ce n’est qu’un doute : réalis­er le test de prop­a­ga­tion du burn-out qui est un test d’au­to éval­u­a­tion […]. Vous pou­vez ensuite trou­ver con­seil auprès de pro­fes­sion­nels proches de chez vous en con­sul­tant l’an­nu­aire du réseau Souf­france et tra­vail […]. »

Flo­rence

« Col­lec­tive­ment, qu’est-ce qu’on peut faire, nous, prati­ciens, chirurgiens-den­tistes, con­tre cette épidémie de burn-out ? Je crois que sor­tir de l’isole­ment, c’est vrai­ment fon­da­men­tal. Je pense que c’est aus­si le moment de faire jouer la sol­i­dar­ité et de repenser au fait qu’on a une con­frérie. […] Ne pas for­cé­ment atten­dre d’une instance supérieure que quelque chose se mette en place pour nous, mais peut-être se bouger et agir. D’ailleurs, agir, c’est sou­vent une très très bonne idée quand on va mal : sor­tir de la rumi­na­tion, sor­tir de la résig­na­tion, sor­tir du com­bat… Mais agir. »

Marie-Hélène Haye

À un niveau plus glob­al, nous sommes tombés d’accord sur le fait qu’il serait bon que les études de chirurgien-den­tiste n’incluent pas seule­ment de la tech­nique. La pro­fes­sion gag­n­erait à ce que des notions de ges­tion d’entreprise et de psy­chopatholo­gie du tra­vail nous soient égale­ment enseignées.

« Un enseigne­ment qui abor­de l’hy­giène de vie des prati­ciens den­taires. Il y a une espèce de : « on n’en par­le pas, on ne va pas faire peur ». »

Phoenix

Enfin, en par­al­lèle de la rela­tion avec nos patients, obtenir de la recon­nais­sance de nos instances dirigeantes serait intéressante. 

Pour ter­min­er cet épisode, nous avons repris les dif­férentes phas­es que tra­versent les den­tistes en burn-out.

Nous voici au bout de cette série sur l’épuisement pro­fes­sion­nel, au fil des témoignages de Phoenix, Pauline et Séver­ine. J’espère que cela vous aura per­mis de mieux con­naître le proces­sus du burn-out. Si ces arti­cles et ces épisodes de pod­cast vous ont plu, n’hésitez pas à les partager autour de vous et à vous inscrire à ma newslet­ter pour ne pas man­quer les prochains.

  • Pauline Bus­si @lesonlibre pour son montage ; 
  • Guil­laume Denaud pour l’illustration ; 
  • Sarah Boom (com­po­si­tion) et Maxime Wathieu (pro­duc­tion, arrange­ment et mix­age) pour la musique ; 
  • Qat­si Marchan­deau pour la rédac­tion de l’article ; 
  • Pauline, Séver­ine et Phoenix pour avoir eu le courage de témoigner ; 
  • Marie Pezé et le doc­teur Marie-Hélène Haye pour leur exper­tise. Marie Pezé est psy­ch­an­a­lyste, doc­teur en psy­cholo­gie et à la tête du réseau « Souf­france et tra­vail ». Marie Hélène Haye, chirurgien-den­tiste, est fon­da­trice de Gut­ta & co, et cofon­da­trice du mou­ve­ment « Cul­ture san­té ». Je l’ai inter­viewé dans l’épisode 36 d’Entretien avec un den­tiste, « Marie-Hélène Haye, la voie du change­ment ». 

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