Dentistes en burn-out 2/3 : au fond de l’abîme

Dans l'épisode précédent, nous avons découvert les différentes causes qui mènent les dentistes au burn-out, au travers des témoignages de nos consœurs Pauline et Séverine et notre confrère Phoenix. Leurs récits étaient éclairés par les propos de Marie Pezé, psychanalyste et docteur en psychologie, et de Marie-Hélène Haye, chirurgien-dentiste. Marie-Hélène accompagne nos confrères et consœurs vers plus de sens et d'équilibre dans leur carrière, notamment lorsqu'ils ont connu un burn-out.

Grâce à leur voix, vous décou­vrirez ce qu’il se passe lorsque la machine s’emballe et que le corps lâche pour dire stop à ce flot de pen­sées inces­sant. L’épuisement pro­fes­sion­nel n’affectant pas que le malade, mais aus­si son entourage, Séver­ine, Pauline et Phoenix nous ont aus­si par­lé de leurs proches. Enfin, cha­cun a con­fié ce qui l’a aidé à entrevoir de nou­veau la lumière et à pou­voir envis­ager de nou­veau d’exercer leur pro­fes­sion de chirurgien-den­tiste

Un doute ? Faite le test de prop­a­ga­tion du burn-out.

L’effondrement et l’installation de l’épuisement professionnel 

Notre con­frère et nos con­sœurs nous racon­tent dans ce deux­ième épisode de la série den­tistes en burn-out, com­ment ils se sont effon­drés. Séver­ine, Pauline et Phoenix décrivent com­ment la mal­adie s’est instal­lée dans leur corps, dans leur tête et dans leur quotidien.

« C’est le corps qui va cra­quer en pre­mier, qui va lâch­er et qui va pouss­er l’or­gan­isme à s’ef­fon­dr­er. D’ailleurs ça peut être aus­si ce que nous appelons vul­gaire­ment et pop­u­laire­ment un “pétage de plombs”. »

Marie Pezé

 « Plus rien ne répond. Plus rien ne répond. Vous êtes dans un état de… Je dirais de larve, comme dans un cos­mos qui serait vrai­ment… Sans aucune lumière. Il n’y a pas d’é­toiles, il n’y a pas de… On est dans le néant. »

Phoenix

Phoenix nous explique qu’en ren­trant chez lui après s’être effon­dré, il a eu un réflexe qu’il souhaite et con­seille à tous : appel­er de l’aide. Il a con­tac­té l’association SPS, qui « vient en aide aux pro­fes­sion­nels de san­té et aux étu­di­ants via un numéro vert gra­tu­it qui per­met d’obtenir un accom­pa­g­ne­ment psy­chologique anonyme et con­fi­den­tiel 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. »

« J’avais honte et je me suis dit : « Mon gars, tu vas te forcer un peu ». Chose que je dirai à tout le monde de ne surtout pas faire ! C’est là que […] j’ai com­mencé à avoir des dif­fi­cultés à marcher et dans ma main, j’ai sen­ti plusieurs doigts qui ne répondaient plus. »

Phoenix

« J’ai appelé au sec­ours comme quelqu’un qui est en train de se noy­er. C’est-à-dire, en gros : vous touchez le fond et du coup, vous avez un réflexe de survie, c’est-à-dire qu’il vous FAUT de l’oxygène. »

Phoenix

Ensem­ble, nous avons égale­ment listé des points com­muns fréquem­ment vis­i­bles chez les soignants et den­tistes en burn-out : 

  • La respon­s­abil­ité de l’injonction à la per­fec­tion dans la sur­ve­nance de l’effondrement professionnel ; 
  • Le déni ; 
  • L’isolement ; 
  • La cul­pa­bil­ité ; 
  • Une cer­taine forme de dépression. 

« Dans ce que je retrou­ve de com­mun [par­mi les con­frères et con­sœurs que j’accompagne], il y a le déni. For­cé­ment, parce que : « moi, je suis pro­fes­sion­nel de san­té, moi, je con­nais. » […] En plus, il y a vrai­ment un désir de bien faire. »

Marie-Hélène Haye

« La pre­mière cause de sui­cide dans les burn-outs, c’est la cul­pa­bil­ité. C’est le fait que celui qui est en burn-out va le vivre comme un drame intime, per­son­nel, comme une insuff­i­sance indi­vidu­elle, alors qu’il s’ag­it de la psy­chopatholo­gie des vio­lences collectives. »

Marie Pezé

La place de l’entourage, du conjoint et de l’équipe d’un dentiste en burn-out 

En cas d’effondrement pro­fes­sion­nel, le malade n’est pas le seul touché. L’entourage en subit égale­ment les effets et a un rôle à jouer dans la guéri­son. De même, les col­lègues et équipes de tra­vail peu­vent être une aide pré­cieuse, que ce soit lors de la pose du diag­nos­tic ou au moment de la reprise du travail. 

« Qu’est-ce que peut faire la per­son­ne qui est à côté du prati­cien en burn-out ? Je dirais que la pre­mière chose, c’est d’ac­cepter l’évidence : son corps l’a lâchée. Il n’est pas là en train de se plain­dre. Il est là parce qu’il est obligé d’être là, à la mai­son, sans activ­ité. Il n’a pas d’autre choix. »

Marie-Hélène Haye

L’aidant et l’entourage peu­vent aus­si s’assurer que le den­tiste en burn-out : 

  • Con­sulte rapi­de­ment un professionnel ; 
  • Puis applique les prescriptions ; 
  • Se mette bel et bien en arrêt de travail ; 
  • Et aus­si qu’elle lance rapi­de­ment les démarch­es de pro­tec­tion sociale. 

Bien sûr, ce peut être très dur pour l’entourage. Mais les proches peu­vent aus­si être une aide et un sou­tien merveilleux. 

« Il l’a mal vécu parce qu’il se sen­tait coupable, en fait, de ne pas avoir vu le déclin, de ne pas avoir vu les signes avant-coureurs, d’avoir été à côté et de ne rien avoir fait avant. »

Pauline

« C’est telle­ment dur pour l’en­tourage que cer­tains con­joints n’ont pas cette force de rester. Moi, elle a fait le choix de rester, elle m’a aidée, elle m’a compris. »

Phoenix

« À un moment don­né, quand je com­mençais à aller mieux, ça sonne à la porte. [Mon équipe est venue] fêter mes 50 ans. Là, j’ai ressen­ti ce que c’é­tait la vraie chaleur humaine, les vraies valeurs. »

Phoenix

Les étapes à suivre pour revoir la lumière 

Puis, au fil du temps, à force de repos, une lueur revient. Phoenix, Séver­ine et Pauline nous racon­tent les divers élé­ments qui leur ont été secourables : 

  • Réalis­er que le cab­i­net peut fonc­tion­ner mal­gré tout ; 
  • se faire accom­pa­g­n­er et suiv­re par des professionnels ; 
  • repenser l’organisation de son travail ; 
  • com­pren­dre que ça arrive à beau­coup d’autres personnes ; 
  • se recen­tr­er sur les plaisirs simples ; 
  • prof­iter de l’art, de la nature et des belles choses ; 
  • pren­dre soin de soi, via une cure ther­male par exemple ; 
  • être au con­tact d’animaux. 

Les pos­si­bil­ités sont mul­ti­ples. Nous com­prenons, au tra­vers de leurs réc­its et des expli­ca­tions de Marie Pezé et Marie-Hélène Haye, qu’il est cap­i­tal de pren­dre son temps et d’écouter les sig­naux de son corps. 

« Tes pod­casts m’ont beau­coup aidé […] notam­ment celui où Antoine, [den­tiste lui aus­si, racon­te son burn-out.] Je l’ai écouté en boucle à une péri­ode, quand ça allait mal, parce que c’é­tait le pre­mier regard que j’avais au sein de la pro­fes­sion, [mon­trant] que ça arrivait à d’autres. »

Séver­ine

« Quand j’é­tais en arrêt, ce qui me fai­sait vrai­ment du bien, c’é­tait des choses toutes sim­ples. C’é­tait être dehors, sen­tir la chaleur du soleil sur la peau, le vent sur le vis­age, regarder le ciel, les nuages, la nature. »

Pauline

« Un des con­seils que je donne, c’est de se con­fron­ter à la beauté, d’être dans la pas­siv­ité devant la beauté. La beauté, ça peut être des œuvres d’art […] ou la nature. Ça peut être de se rap­procher d’un ani­mal. Mais glob­ale­ment, ce ne sont pas des actions, c’est juste être. […] Le chirurgien-den­tiste, en général, il a un emploi du temps blindé. L’idée de se trou­ver con­fron­tée au néant de son emploi du temps, ce n’est pas simple. »

Marie-Hélène Haye

« La remon­tée n’est pas un long fleuve tran­quille. Il est impor­tant de laiss­er le stade de la con­sol­i­da­tion. […] Il peut par­fois y avoir des paliers et, par­fois aus­si, de petites descentes. »

Marie-Hélène Haye

Dans le prochain épisode, Phoenix, Pauline et Séver­ine, nous expli­queront com­ment ils ont refait sur­face après cet effon­drement et com­ment ils ont repris con­fi­ance en eux et goût à la vie. Ce sera le dernier de cette série sur les den­tistes en burn-out. Si elle vous plaît, n’hésitez pas à la partager autour de vous et à vous inscrire à ma newslet­ter pour ne pas man­quer les prochains épisodes. 

Je remer­cie : 

  • Pauline Bus­si @lesonlibre pour son montage ; 
  • Guil­laume Denaud @dent.les.dents pour l’illustration ; 
  • Sarah Boom (com­po­si­tion) et Maxime Wathieu (pro­duc­tion, arrange­ment et mix­age) pour la musique ; 
  • Qat­si Marchan­deau pour la rédac­tion de l’article ; 
  • Pauline, Séver­ine et Phoenix pour avoir eu le courage de témoigner ; 
  • Marie Pezé et le doc­teur Marie-Hélène Haye pour leur expertise. 

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