Grâce à leur voix, vous découvrirez ce qu’il se passe lorsque la machine s’emballe et que le corps lâche pour dire stop à ce flot de pensées incessant. L’épuisement professionnel n’affectant pas que le malade, mais aussi son entourage, Séverine, Pauline et Phoenix nous ont aussi parlé de leurs proches. Enfin, chacun a confié ce qui l’a aidé à entrevoir de nouveau la lumière et à pouvoir envisager de nouveau d’exercer leur profession de chirurgien-dentiste.
Un doute ? Faite le test de propagation du burn-out.
L’effondrement et l’installation de l’épuisement professionnel
Notre confrère et nos consœurs nous racontent dans ce deuxième épisode de la série dentistes en burn-out, comment ils se sont effondrés. Séverine, Pauline et Phoenix décrivent comment la maladie s’est installée dans leur corps, dans leur tête et dans leur quotidien.
« C’est le corps qui va craquer en premier, qui va lâcher et qui va pousser l’organisme à s’effondrer. D’ailleurs ça peut être aussi ce que nous appelons vulgairement et populairement un “pétage de plombs”. »
Marie Pezé
« Plus rien ne répond. Plus rien ne répond. Vous êtes dans un état de… Je dirais de larve, comme dans un cosmos qui serait vraiment… Sans aucune lumière. Il n’y a pas d’étoiles, il n’y a pas de… On est dans le néant. »
Phoenix
Phoenix nous explique qu’en rentrant chez lui après s’être effondré, il a eu un réflexe qu’il souhaite et conseille à tous : appeler de l’aide. Il a contacté l’association SPS, qui « vient en aide aux professionnels de santé et aux étudiants via un numéro vert gratuit qui permet d’obtenir un accompagnement psychologique anonyme et confidentiel 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. »
« J’avais honte et je me suis dit : « Mon gars, tu vas te forcer un peu ». Chose que je dirai à tout le monde de ne surtout pas faire ! C’est là que […] j’ai commencé à avoir des difficultés à marcher et dans ma main, j’ai senti plusieurs doigts qui ne répondaient plus. »
Phoenix
« J’ai appelé au secours comme quelqu’un qui est en train de se noyer. C’est-à-dire, en gros : vous touchez le fond et du coup, vous avez un réflexe de survie, c’est-à-dire qu’il vous FAUT de l’oxygène. »
Phoenix
Ensemble, nous avons également listé des points communs fréquemment visibles chez les soignants et dentistes en burn-out :
- La responsabilité de l’injonction à la perfection dans la survenance de l’effondrement professionnel ;
- Le déni ;
- L’isolement ;
- La culpabilité ;
- Une certaine forme de dépression.
« Dans ce que je retrouve de commun [parmi les confrères et consœurs que j’accompagne], il y a le déni. Forcément, parce que : « moi, je suis professionnel de santé, moi, je connais. » […] En plus, il y a vraiment un désir de bien faire. »
Marie-Hélène Haye
« La première cause de suicide dans les burn-outs, c’est la culpabilité. C’est le fait que celui qui est en burn-out va le vivre comme un drame intime, personnel, comme une insuffisance individuelle, alors qu’il s’agit de la psychopathologie des violences collectives. »
Marie Pezé
La place de l’entourage, du conjoint et de l’équipe d’un dentiste en burn-out
En cas d’effondrement professionnel, le malade n’est pas le seul touché. L’entourage en subit également les effets et a un rôle à jouer dans la guérison. De même, les collègues et équipes de travail peuvent être une aide précieuse, que ce soit lors de la pose du diagnostic ou au moment de la reprise du travail.
« Qu’est-ce que peut faire la personne qui est à côté du praticien en burn-out ? Je dirais que la première chose, c’est d’accepter l’évidence : son corps l’a lâchée. Il n’est pas là en train de se plaindre. Il est là parce qu’il est obligé d’être là, à la maison, sans activité. Il n’a pas d’autre choix. »
Marie-Hélène Haye
L’aidant et l’entourage peuvent aussi s’assurer que le dentiste en burn-out :
- Consulte rapidement un professionnel ;
- Puis applique les prescriptions ;
- Se mette bel et bien en arrêt de travail ;
- Et aussi qu’elle lance rapidement les démarches de protection sociale.
Bien sûr, ce peut être très dur pour l’entourage. Mais les proches peuvent aussi être une aide et un soutien merveilleux.
« Il l’a mal vécu parce qu’il se sentait coupable, en fait, de ne pas avoir vu le déclin, de ne pas avoir vu les signes avant-coureurs, d’avoir été à côté et de ne rien avoir fait avant. »
Pauline
« C’est tellement dur pour l’entourage que certains conjoints n’ont pas cette force de rester. Moi, elle a fait le choix de rester, elle m’a aidée, elle m’a compris. »
Phoenix
« À un moment donné, quand je commençais à aller mieux, ça sonne à la porte. [Mon équipe est venue] fêter mes 50 ans. Là, j’ai ressenti ce que c’était la vraie chaleur humaine, les vraies valeurs. »
Phoenix
Les étapes à suivre pour revoir la lumière
Puis, au fil du temps, à force de repos, une lueur revient. Phoenix, Séverine et Pauline nous racontent les divers éléments qui leur ont été secourables :
- Réaliser que le cabinet peut fonctionner malgré tout ;
- se faire accompagner et suivre par des professionnels ;
- repenser l’organisation de son travail ;
- comprendre que ça arrive à beaucoup d’autres personnes ;
- se recentrer sur les plaisirs simples ;
- profiter de l’art, de la nature et des belles choses ;
- prendre soin de soi, via une cure thermale par exemple ;
- être au contact d’animaux.
Les possibilités sont multiples. Nous comprenons, au travers de leurs récits et des explications de Marie Pezé et Marie-Hélène Haye, qu’il est capital de prendre son temps et d’écouter les signaux de son corps.
« Tes podcasts m’ont beaucoup aidé […] notamment celui où Antoine, [dentiste lui aussi, raconte son burn-out.] Je l’ai écouté en boucle à une période, quand ça allait mal, parce que c’était le premier regard que j’avais au sein de la profession, [montrant] que ça arrivait à d’autres. »
Séverine
« Quand j’étais en arrêt, ce qui me faisait vraiment du bien, c’était des choses toutes simples. C’était être dehors, sentir la chaleur du soleil sur la peau, le vent sur le visage, regarder le ciel, les nuages, la nature. »
Pauline
« Un des conseils que je donne, c’est de se confronter à la beauté, d’être dans la passivité devant la beauté. La beauté, ça peut être des œuvres d’art […] ou la nature. Ça peut être de se rapprocher d’un animal. Mais globalement, ce ne sont pas des actions, c’est juste être. […] Le chirurgien-dentiste, en général, il a un emploi du temps blindé. L’idée de se trouver confrontée au néant de son emploi du temps, ce n’est pas simple. »
Marie-Hélène Haye
« La remontée n’est pas un long fleuve tranquille. Il est important de laisser le stade de la consolidation. […] Il peut parfois y avoir des paliers et, parfois aussi, de petites descentes. »
Marie-Hélène Haye
Dans le prochain épisode, Phoenix, Pauline et Séverine, nous expliqueront comment ils ont refait surface après cet effondrement et comment ils ont repris confiance en eux et goût à la vie. Ce sera le dernier de cette série sur les dentistes en burn-out. Si elle vous plaît, n’hésitez pas à la partager autour de vous et à vous inscrire à ma newsletter pour ne pas manquer les prochains épisodes.
Je remercie :
- Pauline Bussi @lesonlibre pour son montage ;
- Guillaume Denaud @dent.les.dents pour l’illustration ;
- Sarah Boom (composition) et Maxime Wathieu (production, arrangement et mixage) pour la musique ;
- Qatsi Marchandeau pour la rédaction de l’article ;
- Pauline, Séverine et Phoenix pour avoir eu le courage de témoigner ;
- Marie Pezé et le docteur Marie-Hélène Haye pour leur expertise.