Dans cet épisode, nous découvrons le parcours de Manon Serre, une orthodontiste issue d’un milieu éloigné de l’univers médical : celui du monde agricole ardéchois.
À travers ses mots, c’est toute la complexité des mobilités sociales qui s’exprime : le franchissement des frontières invisibles, les écarts de langage, les moments de gêne comme de fierté.
Son témoignage nous invite à réfléchir à ce que signifie changer de classe sociale : ce que cela coûte, ce que cela apporte, et ce que cela révèle du fonctionnement de notre société.
De la ferme au fauteuil : un changement de décor, pas d’identité
Grandir dans un monde rural, exercer dans un monde codifié
Manon Serre a grandi en Ardèche dans une famille d’agriculteurs. Une enfance rythmée par les saisons, le travail manuel et un ancrage fort dans la terre. Devenue orthodontiste, elle navigue aujourd’hui dans un univers aux codes sociaux bien différents : celui des soins spécialisés, de la parole maîtrisée et du confort urbain.
Mais ce changement n’est pas un reniement : « Je suis très fière de mes origines », affirme-t-elle dans l’épisode. Ce passage d’un monde à l’autre est au cœur du concept de transclasse, proposé par la philosophe Chantal Jaquet.
Transclasse, pas transfuge
Traverser les classes sociales sans trahir
Le mot transclasse se distingue de celui de transfuge de classe, popularisé en sociologie et dans la littérature par des autrices comme Annie Ernaux. Là où le transfuge peut évoquer rupture et honte, le transclasse désigne une traversée sociale, sans jugement de valeur.
C’est cette nuance que le podcast explore, en mêlant le témoignage de Manon à des concepts clés : habitus, champ, codes implicites, ressources affectives… Autant de notions qui éclairent le sentiment d’entre-deux social, souvent vécu en silence par celles et ceux qui changent de classe.
Une parole forte sur l’accès aux études et la fierté populaire
Quand la réussite s’appuie sur les bourses et le travail d’été
Dans son récit, Manon évoque son statut de boursière, les aides publiques sans lesquelles ses études n’auraient pas été possibles, et le travail l’été à l’exploitation qui ont jalonné son parcours.
Mais elle parle aussi des écarts culturels, des maladresses, des tenues « déguisées » à la rentrée, des erreurs de codes sociaux, et de la peur persistante du manque.
Ce sont ces tensions silencieuses que le podcast fait émerger. Et derrière elles, une réflexion collective sur ce que la société fait ou ne fait pas pour celles et ceux qui cherchent à franchir ses frontières.
Conclusion
Le parcours de Manon Serre nous rappelle que les trajectoires sociales ne sont jamais linéaires ni indemnes. Traverser les frontières de classe, ce n’est pas seulement gravir des échelons, c’est apprendre à se situer, à composer, parfois à se taire, souvent à traduire.
Son témoignage éclaire les tensions de celles et ceux qui, comme elle, vivent entre deux mondes, sans renier l’un, sans appartenir totalement à l’autre. Il ouvre une réflexion sur la manière dont nos origines nous façonnent, même quand nous nous en éloignons.
Et peut-être aussi sur notre capacité collective à reconnaître ces passages, à les écouter, à en faire des récits légitimes.
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Je remercie chaleureusement :
- Pauline Bussi @lesonlibre pour son travail minutieux de montage ;
- Manon Serre pour sa spontanéité et la sincérité de son témoignage
La musique Hazy Road est de Nicolas de Ferran et Laurent Vernerey