L’argent et la santé semblent parfois former un duo complexe et contradictoire, particulièrement dans le monde de la dentisterie. Comment concilier la rentabilité d’un cabinet avec la mission première du soignant, celle de prendre soin des patients ? Dans cet épisode, j’ai eu le plaisir de discuter avec Jérémie Bazart, praticien salarié, qui nous livre son regard sur les défis financiers auxquels font face les dentistes, qu’ils soient libéraux ou salariés. Nous abordons également l’importance d’offrir aux jeunes praticiens des modèles d’exercice diversifiés, afin qu’ils puissent choisir une voie professionnelle alignée avec leurs valeurs.
« Moi, je vois des gens qui ont des besoins,
et puis je me dis, allez, j’y vais.
Peu importe combien ça coûte, ce n’est pas mon sujet.
C’est le paiement à l’acte que je remets en question,
sur la façon de soigner les gens.
Je pense que le paiement à l’acte est difficilement compatible avec un soin de qualité. »Dr Jérémie Bazart
1. La rémunération à l’acte : un modèle en question
Le modèle libéral et la posture d’entrepreneur
Dans l’exercice libéral, la rémunération à l’acte est au cœur du modèle économique. Chaque soin, chaque consultation, chaque intervention est facturée individuellement. Jérémie partage ses réflexions sur cette méthode de rémunération, qui selon lui, crée une dynamique de rentabilité incompatible avec l’essence du soin médical. Pour lui, être dentiste ne devrait pas se limiter à être un chef d’entreprise.
Des limites pour la qualité des soins ?
La rémunération à l’acte, bien qu’elle encourage la productivité, peut parfois faire passer la rentabilité avant la qualité des soins. Jérémie évoque sa conviction que ce système, bien qu’adopté par la majorité des dentistes libéraux, pousse certains à considérer la pratique comme une simple gestion d’entreprise, où l’objectif est de maximiser les profits plutôt que de garantir des soins de qualité.
2. Salariat : une alternative plus sereine ?
La stabilité financière et professionnelle
À l’inverse du modèle libéral, Jérémie présente les avantages du salariat en milieu hospitalier ou au sein de structures publiques. Il bénéficie d’une rémunération fixe, basée sur une grille salariale, et de journées de travail bien structurées. Ce modèle permet de stabiliser les revenus et de se concentrer pleinement sur les soins, sans la pression permanente de la rentabilité.
Un choix qui n’est pas toujours valorisé
Malgré les avantages du salariat, Jérémie souligne que ce modèle reste peu valorisé dans le milieu dentaire. Les étudiants, lors de leur formation, se voient souvent présenter le modèle libéral comme la seule véritable voie de réussite, laissant peu de place à l’exploration d’autres formes d’exercice professionnel.
3. La formation des dentistes : un besoin de diversification
Offrir des choix éclairés aux étudiant·es
Une grande partie de la discussion porte sur la formation des jeunes praticien·nes. Jérémie et moi partageons des doutes sur le fait que l’université ait un rôle à jouer dans la formation des étudiant·es à gérer une entreprise. Cette tâche semble souvent incompatible avec la mission première de l’université, qui est de former des soignant·es, et non des chef·fes d’entreprise. Pourtant, l’aspect entrepreneurial du métier est une réalité incontournable pour les libéraux. En plus de cette lacune, peu d’étudiant·es sont exposés à des modèles d’exercice alternatifs, comme le salariat en centre de santé ou en milieu hospitalier. Ce manque de diversité dans la formation conduit à un choix limité et parfois mal informé lorsqu’il s’agit d’entrer dans la vie professionnelle.
Le compagnonnage : un modèle à encourager
Pour que les futurs dentistes puissent faire un choix véritablement éclairé, il est crucial de diversifier les expériences pendant leur formation. L’idée de mettre en place un système de compagnonnage, où les étudiant·es pourraient être salarié·es dans des centres de santé, encadrés par des praticiens expérimentés, a émergé. Ce modèle permettrait non seulement de répondre à des besoins en santé publique, mais aussi d’offrir aux étudiant·es une expérience pratique et encadrée dans des environnements variés.
4. Trouver l’équilibre entre soin et rentabilité
Un équilibre à atteindre
Au fil de l’épisode, nous revenons souvent sur ce défi central : comment conjuguer soin de qualité et viabilité économique ? Que ce soit dans le modèle libéral ou en tant que salarié, la rentabilité ne doit pas devenir un objectif en soi. Les jeunes praticien·nes doivent être encouragés à trouver leur propre voie, où l’argent reste un outil pour exercer leur métier, et non une finalité.
Un métier de soin, pas d’entrepreneur
En conclusion, nous avons réaffirmé l’importance de rappeler aux dentistes, dès leur formation, qu’ils choisissent un métier de soin, et non une carrière d’entrepreneur. L’enjeu est d’orienter la pratique vers un équilibre sain, où le/la patient·e et la qualité des soins restent au centre des préoccupations, tout en garantissant la pérennité économique de l’activité.
Conclusion
Cet épisode avec Jérémie Bazart a permis de jeter un regard lucide et critique sur les différentes formes d’exercice du métier de dentiste. La question de la rémunération et de la rentabilité reste un sujet central, qu’il s’agisse de l’exercice libéral ou du salariat. Nous avons également souligné l’importance d’offrir aux jeunes praticien·nes une formation diversifiée, où l’accompagnement et le compagnonnage occupent une place centrale.
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La série sur l’argent se conclura dans le prochain épisode, où nous discuterons d’éthique avec Flora Bastiani. Restez connecté·es !
Je remercie chaleureusement :
- Pauline Bussi @lesonlibre pour son montage ;
- Camille Cauvez pour l’illustration ;
- Maxime Wathieu pour la composition du générique et de l’habillage sonore ;
- Le docteur Jérémie Bazart d’avoir partagé son expérience et ses convictions sur la profession !