#56 – Dentiste et humoriste : le québécois Dr Antoine Paradis-Surprenant

Dans cet épisode d’Entretien avec un dentiste, je vous propose de découvrir un dentiste-humoriste québécois, le Dr Antoine Paradis-Surprenant. Ensemble, nous avons échangé sur l’équilibre entre ces 2 casquettes, sur les points communs des patients en France et au Québec, mais aussi sur la place de l’humour dans sa vie, sa façon d’écrire ses sketchs et de lier son activité de dentiste et l’humour au quotidien, y compris au cabinet… De nombreux sujets, auxquels Antoine a répondu avec nuance.

Antoine Paradis-Surprenant, dentiste humoriste au Québec

Un dentiste

J’ai décou­vert Antoine Par­adis-Sur­prenant grâce à un groupe Face­book de den­tistes français. Je crois que c’est ras­sur­ant, pour nous, den­tistes français, de con­stater que les den­tistes québé­cois ont aus­si des patients avec des préjugés et des peurs, alors que leur sys­tème de san­té nous semble :

  • plus juste ;
  • plus rémunéra­teur pour les soins ;
  • plus tourné vers la prévention.

À ce sujet, le Dr Antoine dira, lors de notre échange, que la plu­part de ses patients sont gen­tils et polis… mais que, lorsque ce n’est pas le cas, il s’en sert pour ses sketchs.

En effet, Antoine Par­adis-Sur­prenant est un den­tiste-humoriste québécois.

« Antoine exerce en tant que col­lab­o­ra­teur, en tout cas, l’équiv­a­lent chez nous, dans un cab­i­net de groupe. Den­tiste le jour, humoriste le soir, il s’est fait con­naître récem­ment dans le Gong Show, un spec­ta­cle qui se déroule plusieurs fois par semaine dans un cabaret, en plein cœur de Montréal. »

Flo­rence Etcheverry

Ensem­ble, nous avons notam­ment dis­cuté de cette vision, sans doute uni­verselle, du den­tiste qui se fait de l’argent sur la douleur des gens. La prise en charge (ou non) des soins peut avoir un impact sur cela, mais c’est aus­si le cas :

  • du rap­port des gens à l’argent (surtout en France…) ;
  • de la réal­ité du ressen­ti des patients…

Un humoriste

Le trem­plin d’Antoine en tant qu’humoriste, c’est le Gong Show, du cabaret « Le bor­del », de Montréal.

« C’est un spec­ta­cle-con­cept où le but est de sur­vivre 3 min­utes sur la scène. Plusieurs humoristes ama­teurs sont invités à venir présen­ter un numéro. On essaie de se ren­dre jusqu’à 3 min­utes, mais l’en­jeu, c’est qu’il y a des juges-ani­ma­teurs qui écoutent le numéro et, à tout moment, si ce n’est pas à leur sat­is­fac­tion, ils peu­vent son­ner le gong et met­tre fin au numéro. »

Antoine Par­adis-Sur­prenant

Évidem­ment, l’un des pre­miers sujets sur lequel nous avons échangé, c’est son nom ! Mais oui, il s’agit bien de son véri­ta­ble nom de famille… et c’est aus­si son nom de scène !

Je lui ai aus­si demandé s’il se sou­ve­nait du moment où il a com­pris qu’il voulait faire quelque chose de sa capac­ité à faire rire.

« La pre­mière fois que j’ai fait rire des gens, c’é­tait dans un con­texte d’im­pro, quand j’avais 14 ans. Avant ça, j’é­tais un enfant qui était quand même timide. J’avais quand même tout un imag­i­naire, je lisais beau­coup de livres, j’aimais écrire, j’aimais créer… Mais j’avais beau­coup de comique en moi, que je n’ar­rivais pas néces­saire­ment à com­mu­ni­quer à beau­coup de gens à la fois. La pre­mière fois que j’ai fait de l’im­pro­vi­sa­tion, c’est là qu’il y a eu un éveil. »

Antoine Par­adis-Sur­prenant

L’équilibre entre sa vie de dentiste et l’humour

Dentiste et humour, au quotidien

Une vie de den­tiste implique, en général, un quo­ti­di­en bien chargé. Mais une vie d’artiste aus­si ! J’ai inter­rogé Antoine sur sa ges­tion de ses 2 casquettes.

Antoine ne compte pas le nom­bre d’heures qu’il réalise dans une semaine… Mais il sait qu’il en fait beau­coup ! Essen­tielle­ment grâce à ses con­gés, il tra­vaille en général 4 jours par semaine au cab­i­net den­taire. En par­al­lèle, il est sur scène 1 à 2 fois par semaine. Antoine sait que ce rythme ne pour­ra pas dur­er. Il sent qu’il a accu­mulé de la fatigue et il sait que, s’il veut se con­sacr­er un peu plus à l’humour, il devra réduire le rythme ailleurs. Appro­fondir ce sujet est l’un de ces projets.

Toute­fois, aban­don­ner l’une ou l’autre de ses cas­quettes n’est pas prévu.

« L’humour, c’est un vieux rêve de jeunesse, donc c’est sûr que si on m’avait posé la ques­tion il y a quelques années, j’au­rai dit humoriste. Mais la pra­tique den­taire, j’ai vrai­ment trou­vé quelque chose que j’aime là-dedans. J’aime mon méti­er de den­tiste, donc j’au­rai de la dif­fi­culté à le laiss­er aller com­plète­ment. Mais en même temps, c’est telle­ment prenant, c’est telle­ment sat­is­faisant, c’est telle­ment grisant quand ça fonc­tionne… S’il y a une pos­si­bil­ité en humour, j’au­rai prob­a­ble­ment de la dif­fi­culté aus­si. […] Je vais laiss­er les choses venir. […] Je vais laiss­er la vie décider pour moi ! »

Antoine Par­adis-Sur­prenant

Tout cela a fait écho à l’équilibre que j’ai dû trou­ver entre ma cas­quette de chirurgi­en­ne-den­tiste et ma cas­quette de pod­cas­teuse. L’une et l’autre demande du temps et de l’énergie, mais m’apporte du posi­tif. À l’heure actuelle, je tra­vaille 3 jours par semaine au cab­i­net et con­sacre le reste du temps au pod­cast, mais aus­si à ma famille et au sport.

Sur ce dernier point égale­ment, Antoine et moi nous rejoignons. Antoine fait beau­coup de vélo… et le cyclisme est d’ailleurs sa sec­onde source d’inspiration pour ses sketchs.

L’humour dans ses relations avec ses patients dentaires

En tant que den­tiste-humoriste, Antoine valide qu’il lui arrive de se servir de l’humour au cab­i­net. Il nous donne même quelques exem­ples de blagues à la fin de l’épisode, je vous laisse les découvrir.

Je lui ai demandé si, avec son tra­vail d’humoriste, il avait aus­si à cœur d’essayer de redor­er l’image des den­tistes, s’il abor­dait aus­si l’humour comme un moyen de faire pass­er un mes­sage. Sans très grande sur­prise, la réponse est positive.

« Le rôle de l’humour, ça peut être de faire pass­er des mes­sages, de faire rire et de faire réfléchir. »

Antoine Par­adis-Sur­prenant

Sans for­cé­ment aller jusqu’à redor­er l’image du den­tiste, il essaie (entre autres) d’utiliser sa posi­tion de den­tiste-humoriste pour faire com­pren­dre aux patients que les den­tistes aus­si, ont leur vision des choses, leurs ressentis.

Ceci étant, il n’est pas dit qu’il en sera ain­si durant toute sa car­rière d’humoriste. Pour l’instant, c’est ça et le cyclisme, car ce sont des sujets qu’il con­naît, qu’il maîtrise, sur lesquels il est légitime. Mais plus tard, ce sera peut-être autre chose.

À ses yeux, l’un des points les plus impor­tants, c’est de bien pren­dre le temps de se ren­seign­er en amont. Il faut avoir une vision glob­ale du sujet traité, avoir une idée assez claire de l’opinion et du vécu de toutes les parties.

Une vie d’humoriste

Écrire l’humour

Enfin, au fil de notre échange, je me suis intéressée à l’humour en lui-même et au rap­port qu’Antoine entre­tient avec lui. Cela a été évo­qué plus haut : sa rela­tion avec le rire est très liée à l’improvisation. Ces expéri­ences dans cet art lui ont per­mis d’affiner rapi­de­ment son jeu de scène.

Par con­tre, il a appris à écrire l’humour. Antoine nous explique ain­si que l’élément prin­ci­pal, c’est de soign­er la struc­ture de sa blague. Pour com­pos­er les siennes, il part en général d’un sujet qui le fait réa­gir (par exem­ple : la quan­tité de réflex­ions que les auto­mo­bilistes adressent aux cyclistes). Ensuite, il essaie de com­pos­er dessus avec les tech­niques qu’il a apprises.

« Il y a des procédés humoris­tiques qu’on peut utilis­er. Il y a une façon d’écrire le stand-up, du moins il y a une façon clas­sique d’écrire des blagues, qu’il est impor­tant de com­pren­dre, d’ap­pren­dre et de maîtris­er quand on débute là-dedans. Et après ça, je pense que les humoristes pro­fes­sion­nels qui se démar­quent et qui devi­en­nent des vedettes, c’est qu’ils ont réus­si à, juste­ment, amen­er leurs pro­pres couleurs […]. C’est un peu comme appren­dre la musique. Il faut appren­dre cer­tains accords, et après, ce sont les chan­sons qu’on va com­pos­er qui vont être intéressantes. »

Antoine Par­adis-Sur­prenant

Dans le sil­lage de cette ques­tion, nous avons abor­dé celle, plus épineuse, du dosage de la vulgarité.

« C’est un défi qu’il y a dans l’écri­t­ure, cer­taine­ment. Je pense que ça vient avec l’ex­péri­ence aus­si. Il y en a qui en font une spé­cial­ité aus­si, d’aller loin et de repouss­er les lim­ites. Comme on finit par savoir que c’est leur créneau, on tolère plus. »

Antoine Par­adis-Sur­prenant

Son but à lui n’est pas de cho­quer. C’est impor­tant pour lui que ce soit clair que tout est dit dans un cadre bienveillant. 

Adapter l’humour à la sensibilité du public

Je ne pou­vais pas inviter un den­tiste-humoriste à mon micro et ne pas le ques­tion­ner sur les ques­tions clas­siques. Peut-on rire de tout ? Est-ce que notre société sait encore rire ?

Con­cer­nant la pre­mière ques­tion, la réponse est nuancée.

« Tout est dans la façon de le faire. Une blague qui est dure, qui touche un sujet dur, si elle est si bien ficelée, si la struc­ture est telle­ment par­faite qu’on n’a pas le choix de recon­naître le génie der­rière, ou la créa­tiv­ité der­rière, l’ha­bil­ité der­rière, là ça en fait une blague qui est accept­able… selon moi. C’est sûr qu’on a tous nos degrés de tolérance. »

Antoine Par­adis-Sur­prenant

Cela dépend aus­si de ce dont on a l’habitude, de ce à quoi on est sen­si­ble, de la cible choisie… La légitimé aus­si, peut ren­tr­er en ligne de compte.

« Toi, tu vas utilis­er ce que tu vis au quo­ti­di­en, que ce soit dans ton méti­er de den­tiste ou dans ton activ­ité de cycliste. Tu es peut-être plus légitime, pour en rire, que quelqu’un qui ferait une blague sur les den­tistes, qui ne con­naît pas la pro­fes­sion et qui n’est pas dedans. »

Flo­rence Etcheverry

J’avais aus­si envie de savoir si, en tant qu’humoriste, il trou­ve qu’on rit assez, dans notre société actuelle.

« Pour ma part, j’ai l’im­pres­sion que oui, mais moi, je suis très fan d’humour. J’en con­somme beau­coup, donc je vois qu’il y a beau­coup de sujets qui sont traités avec humour et que ça se passe bien. Mais j’en­tends aus­si quand même beau­coup de gens dirent : « oh on ne peut plus rien dire, on ne peut plus rire de tout, les gens sont plus sen­si­bles qu’a­vant ». Et je pense que c’est vrai aussi. »

Antoine Par­adis-Sur­prenant

À ses yeux, si on a affaire à un pub­lic sen­si­ble, il faut adapter le ton, le style… mais surtout pas arrêter de rire, car cela fait par­tie de notre humanité.

C’est sur cette belle réflex­ion que s’arrête cet arti­cle sur Dr Antoine Par­adis-Sur­prenant, le den­tiste-humoriste. Je vous invite à écouter l’épisode en entier : vous y décou­vrirez les sujets abor­dés ici (et d’autres !) avec plus de détails et de nuances. Pour aller plus loin et remet­tre de l’humain dans le monde den­taire, je vous pro­pose égale­ment de décou­vrir la newslet­ter d’Entre­tien avec un den­tiste.

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